SUITE 3
Que ce soit clair, je ne suis pas contre l’idée de faire des bricolages avec les enfants, si c’est de façon occasionnelle. Mais il y a tout un coté qui me dérange fortement dans ces activités dirigées, le côté organisationnel. L’éducatrice va devoir faire une mise en place, ensuite surveiller l’activité de A à Z et puis après elle va devoir faire le nettoyage et le rangement. Donc, à part le moment même de l’activité, tout le temps annexe (qui peut durer entre trente minutes et une heure) l’éducatrice a juste un œil léger sur son groupe et ne peut que veiller à la sécurité. Ça reste surtout de l’organisation, de la mise en place et du rangement. Sincèrement, si mon enfant rentre tous les jours avec une peinture, moi je me ferais du souci, parce que ça veut dire que pendant un laps de temps important, le groupe était juste « surveillé » mais ne profitait pas vraiment de la présence de l’adulte. Je suis sceptique quant à genre d’activité surtout en début d’année.
Lorsqu’on démarre avec un nouveau groupe si l’EDE est tout le temps occupée à organiser des activités, elle a moins de temps pour créer des liens avec les enfants, de vraiment les connaître et passer du temps de qualité avec. C’est cela, à mon avis, l’objectif principal dans notre métier, vu que la connaissance de l’enfant est l’outil de travail qui marche le mieux.
D’autres activités qu’on nous demande beaucoup et qui sont très à la mode sont les activités de cuisine. Je trouve ça génial, c’est très chouette de cuisiner avec les enfants. Mais encore une fois, surtout pas en début d’année et de façon très épisodique. Je m’explique : à mon sens, la cuisine est quelque chose que les enfants sont censés déjà connaître. En tous cas, j’espère qu’ils ont l’occasion de voir tous les jours les parents cuisiner à la maison, avec possibilité, selon les humeurs et disponibilités, de les aider progressivement. Donc je trouverais dommage qu’ils fassent aussi, régulièrement, la même chose en garderie, au détriment d’autres activités.
En ce que concerne les sorties et les promenades, elles sont à intégrer au quotidien, bien évidemment, mais doivent correspondre aux mêmes critères, c’est-à-dire, apporter quelque chose à l’enfant. C’est bien joli de dire aux parents le soir qu’on a fait une super promenade en bus, jusqu’au marché de Noël, à Bern pour voir les ours, à la ferme pour voir les vaches, ou au lac pour donner du pain aux canards, mais tout va dépendre de notre point de départ. Le premier critère est donc la durée des trajets qui ne doit pas être plus importante que la durée de la promenade en elle-même. Par exemple, si on va faire 30 minutes de train pour aller et pareil pour le retour, il faut au moins qu’on puisse rester le double du temps sur place, autrement dit, cette sortie va prendre au minimum 3h (ce que je trouve quasi infaisable dans le quotidien d’une garderie). Pour les sorties à pied, il ne faut pas non plus que l’enfant subisse le trajet et puis qu’au retour il soit énormément fatigué. Il ne faut pas que la promenade soit un calvaire pour l’enfant mais, au contraire, qu’elle lui apporte vraiment quelque chose. Puis il ne faut pas oublier que ce sont souvent les adultes qui s’ennuient de la répétition et pas les enfants, donc je trouve normal qu’on ne fasse que de petites promenades tout près et souvent au même endroit, pour que ce soit un moment de plaisir et pas une contrainte.
En résumé, quelques bricolages de façon épisodique, des ateliers cuisine très ponctuels et des promenades dans les environs, pas très longues. Mais alors, les éducatrices font quoi du reste du temps ? Elles ne font rien ?
La réponse va laisser certains perplexes, mais elle est pourtant vrai : l’éducatrice est là.
Elle est là, tout le temps avec l’enfant. Elle l’observe, elle apprend à le connaître. Elle voit ce dont il a besoin, ce qu’il arrive déjà à faire ou pas encore. Elle l’accompagne, le suit parfois. Elle l’écoute, lui parle. Elle répond. Elle sait, parce qu’elle a vu et peut désormais anticiper. Cet enfant, elle l’a vu grandir, pleurer, se cacher, apprendre, réussir, échouer. Et si elle a pu voir tout ça, c’est parce qu’elle pouvait concentrer son attention sur lui, parce qu’elle était disponible. Et présente. Son attention n’était pas attirée par des tâches, par des sollicitations autres. Et en plus, elle a pris du temps pour consigner tout ce qu’elle a vu, pour garder une trace, pour pouvoir relire, reconstituer le chemin parcouru (par elle-même, par l’enfant, voire par l’équipe). Elle l’a partagé avec l’équipe lors des colloques. C’est le temps qu’elle a consacré à chaque enfant qui rend chaque relation unique comme la rose du Petit Prince. C’est ce même temps qui fait que cet enfant se sent en sécurité avec elle, qu’il lui fait confiance, qu’il lui parle et sait que lorsqu’elle est là, il est en sécurité, qu’il peut jouer, tester, expérimenter, apprendre, faire des bêtises et grandir.
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