Cela s’appelle l’effet domino. En cette rentrée 2021, Marie-Noëlle Petitgas, présidente de l’Association nationale des assistantes maternelles (ANAMAAF), perçoit un changement majeur dans les conditions de travail. Avec la généralisation du télétravail, le volume horaire de la profession a tendance à baisser. Les contrats sont modifiés et deviennent plus précaires. Certains employeurs, qui ont aimé le temps passé avec leurs enfants durant les derniers confinements, entendent concilier vie personnelle et professionnelle. Ce qui se ressent dans le secteur de la garde d’enfant.
« À la rentrée, nous avons énormément de ruptures de contrat. Certains parents sont au chômage et récupèrent leurs enfants le temps de la recherche d’un emploi. D’autres sont au télétravail et réduisent les heures », avance Marie-Noëlle Petitgas. Dans la grande chaîne du travail, les assistantes maternelles sont un maillon. Elles sont le miroir d’un marché de l’emploi en plein chambardement.
PRÉCARISATION
Chez Yoopies, une plateforme d’aide à domicile, on perçoit la même tendance. Dans son rapport annuel sur le coût de la garde d’enfants publié ce 26 août, la plateforme pointe la fragmentation des heures des assistantes maternelles. Pour boucler leurs fins de mois, ces dernières doivent prendre plus de contrats et jongler avec les horaires des parents-employeurs. Yoopies fait cette observation à la suite de multiples entretiens passés avec des assistantes maternelles et l’analyse qualitative de leur situation professionnelle. « Cette année, les parents s’organisent pour passer à un mi-temps, confirme Benjamin Suchar, cofondateur de la plateforme de services à domicile. Leur organisation est faite pour durer. Cela génère une grande précarisation chez les assistantes maternelles. »
Outre l’aspiration à l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle, les parents chercheraient aussi à réduire la facture. « Ils déposent leurs enfants pour quelques mois. Puis, une fois que ces derniers se sont bien adaptés, ils rompent le contrat pour les mettre en crèche. Pour certains, la garde chez l’assistante maternelle devient une solution temporaire avant l’admission en collectivité de leur bébé », s’énerve Marie-Noëlle Petitgas.
Chez Yoopies, Benjamin Suchar pointe de son côté la hausse des coûts de garde dans certaines régions. « En PACA par exemple, les prix sont très élevés. Les assistantes maternelles sont moins nombreuses et leurs loyers sont plus chers, ce qui explique l’augmentation des coûts », explique-t-il. Concrètement, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le tarif horaire moyen peut monter jusqu’à 9,65 euros net dans certains départements comme les Alpes-Maritimes.
De façon plus générale, les assistantes maternelles disent souffrir d’un manque de revalorisation salariale tandis que les parents, eux, perçoivent le poids du coût de la garde dans leur budget. « Il faudrait un crédit d’impôt immédiat pour inciter les parents à pérenniser les contrats, et stabiliser la profession », argue Benjamin Suchar.
RAS-LE-BOL
La profession est donc dépendante de la conjoncture, des situations professionnelles et financières des parents au prix des loyers et de l’immobilier en passant par les directives des services de protection maternelle et infantile (PMI). Ces structures, pilotées par les conseils départementaux, leur imposent les règles de sécurité au sein de leur logement.
Depuis plusieurs années, la profession juge certaines réglementations trop rigides et proteste contre une forme d'infantilisation. L'ultraflexibilité imposée par les parents, associée à l’hypercontrôle des PMI, génère un immense ras-le-bol. Le désarroi de la profession se traduit par des départs massifs. Certaines parmi les plus jeunes se reconvertissent déjà. D'autres, plus âgées, partent à la retraite sans être remplacées. En 2018, la Fédération des particuliers-employeurs de France (FEPEM) estimait ainsi l’âge moyen des assistantes maternelles à 48 ans.
Pour instaurer un dialogue avec les acteurs du secteur, Adrien Taquet, le secrétaire d'État chargé de la Protection de l'Enfante, a mis en place en février dernier un comité « filière petite enfance ». Mais Marie-Noëlle Petitgas est sceptique. « On se positionne autour de la table. On parle. Mais on sait d’avance que nous ne serons pas entendues », déplore-t-elle.
Lors de la crise des gilets jaunes, les assistantes maternelles ont manifesté leur colère. Elles ont créé leur propre entité, les « gilets roses ». Quelques mois plus tard, elles se disaient fatiguées d’être exposées au virus et de subir les pénuries de masques durant l'épidémie de Covid-19. En première ligne, elles font partie des professions indispensables, mais peu valorisées. Pour assurer la reprise de l’emploi, leur rôle est pourtant vital.